Voilà 27 années que la section principale de la ligne Colmar – Ensisheim a fermé. L’automne commençait à apporter son lot de feuilles mortes, ainsi que ses diverses mais trop régulières fermetures de ligne.
Pourtant, bien des voyants étaient au vert. La zone industrielle d’Ensisheim – Ungersheim avait bonne mine, la ligne, bien qu’envahie par les hautes herbes, avait subi une rénovation aux alentours de 1985. L’Armée, un des principaux clients de la ligne, continuait à faire desservir son dépôt d’essences à Ensisheim par le train. La base aérienne 132 « Colmar – Meyenheim » recevait également son lot d’essence, par des convois certes très courts et irréguliers, mais bien présents. D’autres entreprises, presque une dizaine, constituaient une réserve non négligeable nécessaire à la pérennité de la ligne.
Mais le 27 septembre 1991, le couperet tombe. Un Y 8000 (le Y 8117 pour être très précis) du Fret effectue un dernier aller-retour entre Colmar et la zone industrielle d’Ensisheim – Ungersheim, afin de chercher les derniers wagons subsistants dans les voies de garage des entreprises. La météo, grisâtre, reflétait bien l’atmosphère. Un panneau de fortune est accroché au locotracteur, reprenant ces modeste mots « DERNIER TRAIN SUR LA LIGNE 38 COLMAR – ENSISHEIM ». Un photographe immortalise les dernières manœuvres à Ensisheim et Ungersheim, ainsi que le dernier passage sur le site de l’ancienne gare de Meyenheim.
Comble du paradoxe, si la section de ligne fermait officiellement deux jours plus tard, soit le 29 septembre 1991, dans l’indifférence quasi-générale, un concept novateur voyait le jour en Alsace : les TER 200, reliant Strasbourg, Mulhouse et Bâle.
Depuis, les années passent. Mère Nature ayant horreur du vide, elle a repris ses droits.
La ligne est bel et bien devenue une friche, mais existe toujours. Privilège accordé à peu de lignes fermées en Alsace. Dans le Haut-Rhin, une seule autre ligne dispose du même sursis : Bollwiller – Guebwiller, dont la réouverture se concrétise chaque jour un peu plus.
Hier, suite à une rencontre fortuite, je parviens à contacter un cheminot, qui a, selon les informations reçues, « roulé sur le dernier train entre Colmar et Ensisheim ». Au fil de la conversation, je comprends qu’il ne s’agit pas du dernier train de marchandises, mais d’une draisine ayant circulé quelques jours plus tard. Le but de cette marche était d’officialiser la fermeture du tronçon compris entre Biltzheim (origine de l’embranchement de la base aérienne, alors encore en activité) et Ensisheim. Aux dires de mon interlocuteur, étaient même présents « les pontes de Strasbourg et de Paris ». L’événementiel bien placé…
Depuis, seuls les rails et l’Histoire subsistent encore de cette ligne.
Dans les mois à venir, grâce au témoignage de mon nouveau contact, quelques pièces pourraient enrichir cette mine bien modeste que constitue la ligne Colmar – Ensisheim.
Un anniversaire, triste, sobre, mais bien réel.
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